Le 14 juin au Conseil régional de Bourgogne les communistes, cinq socialistes, le FN ont rejoint les verts pour voter un vœu concernant Israël. J’ai lu ce vœu, dans sa version primitive, puis dans sa version définitive. La version définitive se borne à condamner la politique israélienne. Soit : un vœu sur Israël, au Conseil régional de Bourgogne, est insolite, mais il semble relever de la libre expression démocratique. Pourtant cette expression doit être appréciée également à la lumière de ce qu’était sa version primitive. Cette dernière avait dénoncé, dans l’existence d’Israël depuis sa création, la cause du malheur absolu des Palestiniens. Soyons alors clairs : Israël est placé par les verts, les communistes et le FN en position d’état assassin et génocidaire – c’est-à-dire d’état nazi – et mis au ban des nations. Je ne chercherai pas ici à expliquer à des gens qui sont mus par d’autres motivations que le souci de vérité que la situation au Proche orient est inextricable, infiniment plus complexe qu’ils font mine de le croire (ils se soucient d’ailleurs si peu de vérité qu’ils situent dans leur vœu la création d’Israël en 1947 !) Mais que l’opinion, interloquée peut-être par une prise de position aussi violente et dont on se demande ce qu’elle vient faire dans une séance d’un Conseil régional de Bourgogne, s’interroge sur le caractère déraisonnable du vœu du 14 juin : car des raisons humanitaires, si raisons humanitaires il y a, ne se partagent pas. Aux neuf morts de la flotille de Gaza, il faudrait donc associer les 170 morts et 1762 blessés du Kirghizistan ces jours derniers, les 80000 réfugiés, et entamer des démarches de protestation contre M. Poutine qui laisse pourrir la situation et refuse d’intervenir, rompre peut-être nos relations diplomatiques. Par la même occasion ne pourrait-on pas demander au président russe des comptes sur la Tchétchénie, sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qui y ont été perpétrés ? Ne faudrait-il pas non plus s’inquiéter de ce qui, depuis 2003 au moins, continue à s’accomplir au Darfour : six cents morts en mai, le chercheur Gérard Prunier a pu parler d’« un génocide qui ne dit pas son nom ». Mais je ne sache pas que les verts, ni les communistes, ni bien sûr le FN n’aient jamais protesté contre le sinistre El Bechir. Et ne parlons pas du Rwanda : aucune démarche de tous nos humanistes pour exiger la création d’une commission d’enquête visant à élucider ce qui paraît chaque jour un peu davantage comme l’implication de certains responsables français dans le génocide. Et la Chine par rapport au Tibet ? Et la Corée du Nord ? Etc. Que conclure ? Israël serait-il le lieu d’un crime plus important que tous les autres, le centre géo-politique du mal ? Il ne s’agit certes pas pour la Licra de prétendre que la politique israélienne est sans faute (elle invite d’ailleurs le 22 juin – 20h à Sciences Po – la chercheuse Esther Benbassa, bien connue pour ses positions très critiques vis-à-vis de cette politique, à un débat.) mais il s’agit encore moins de surdéterminer le conflit israélo-palestinien par des éléments autres que politiques. La Licra y a maintes fois insisté : évitons dans la considération des événements du Proche Orient une passion qui ferait que tout juif, ou identifié comme tel ( ce fut hélas ce qui arriva lundi à la conseillère Françoise Tenenbaum, pratiquement empêchée de parole, et même à Robert Badinter, cité par François Patriat qui cherchait à faire intervenir un peu de rationalité, et dont le nom prononcé déclencha à nouveau le tumulte) provoquerait, parce qu’il se refuserait à accuser Israël de génocide, une réaction immédiate de colère et une imputation de complicité. J’émets alors moi aussi un vœu face à celui du Conseil régional : le voeu que les responsables politiques se montrent responsables, et que l’antisémitisme ne vienne pas polluer la vie démocratique française. La séance du 14 juin a de ce point de vue autorisé toutes les craintes.
Alain David