La juive du bloc, Frankfurter allgemeine 18/07/2017 – Michaela Wiegel-

Un meurtre en France soulève beaucoup de questions

Paris le 17 juillet.  Française âgée de 66 ans, Sarah Halimi, fut-elle torturée et assassinée parce qu’elle était juive ?

Le président Macron a lancé aujourd’hui un appel à la justice lui demandant de dissiper toutes les équivoques qui entourent ce meurtre. La constitution exige du président qu’il garantisse l’indépendance de la justice. En ce sens  l’appel de Macron à la justice est insolite. Plus insolite encore est le fait que le cadre de cet appel est le discours commémorant la persécution des Juifs par la France, et que Macron ose ainsi établir un lien entre la persécution de la collaboration avec le nazisme et les formes nouvelles de l’antisémitisme. Jusqu’à présent les responsables français avaient toujours évité de mettre en cause l’antisémitisme des salafistes et des sectateurs islamistes.

Sarah Halimi vivait depuis une trentaine d’années dans le 11ème arrondissement à l’est de Paris, dans ce qu’on appelle « le quartier de Belleville », qui en tant que quartier «multi-culti » continue à être apprécié par la bohème urbaine. Dans son immeuble HLM cette retraitée faisait tache, car la plupart des locataires étaient originaires d’Afrique. «Elle était la Juive du bloc d’immeubles » dit son frère William Attal. Attal ne néglige rien pour que la justice inclue la circonstance aggravante d’antisémitisme dans l’acte d’accusation. Jusqu’à présent, on n’a fait état contre l’auteur des faits Kobili Traore, âgé de 27 ans, que de coups ayant entraîné la mort. Traore vivait avec sa famille originaire du Mali à l’appartement en-dessous de celui de Sarah Halimi et avait un passé judiciaire chargé. La justice continue à enquêter pour savoir s’il ne s’est pas radicalisé à l’occasion d’un de ses séjours en prison. Au chômage, il fut souvent aperçu à la mosquée Omar, connue pour ses prêches salafistes et proche de l’immeuble. Le 12 juillet, la justice a produit un acte d’accusation contre Traoré mais sans impliquer l’arrière-plan islamiste. «Mme Halimi fut torturée par un terroriste et jetée par la fenêtre parce qu’elle était juive» déclare au contraire Jean-Alexandre Buchinger, l’avocat des trois enfants Halimi. La justice occulte les motivations antisémites, ce serait une fuite honteuse devant la réalité. C’est ce que dit aussi l’appel « la vérité pour Sarah Halimi », lancé par 17 intellectuels parmi lesquels Elisabeth Badinter et Alain Finkielkraut. La presse a à peine rendu compte du meurtre, l’opinion est restée indifférente. « Les pouvoirs publics doivent enfin prendre en compte  ce qui se passe dans le pays » dit encore l’appel.

Entre temps de nombreux détails concernant le meurtre sont apparus. Au petit matin du 4 avril, vers 4 heures, Traoré sonna à la porte d’une famille d’origine malienne qu’il connaissait, et qui habite dans l’immeuble voisin de celui de Sarah Halimi. Le père de famille fut si effrayé par l’agressivité de cette intrusion nocturne de Traoré qu’il se barricada avec ses 4 enfants et sa femme dans une pièce voisine et appela la police.  « Un fou est entré dans notre appartement » dit-il au téléphone. 13 minutes plus tard 3 policiers de la brigade criminelle du 11ème arrondissement arrivèrent. Mais c’était déjà trop tard : en passant par le balcon Traoré avait pénétré dans le bloc voisin.

Il arracha l’ancienne directrice de crèche à son sommeil, la frappant probablement avec une sauvagerie bestiale. Des voisins entendirent les cris, les coups et le « Dieu est grand » de Traoré, ses Allahu Akbar. Un homme du bâtiment d’en face appela à nouveau la police, croyant qu’un homme était en train de maltraiter son épouse. « Elle doit être un peu plus âgée et souffre un martyre » déclara-t-il. Plusieurs voisins ouvrirent leurs fenêtres mais personne n’alla aider Sarah Halimi. Plus tard des témoins déclarèrent à l’enquête que Traoré avait crié « je venge mes frères » et « scheitan » ce qui veut dire « diable » en arabe. Six fonctionnaires de police étaient arrivés entre temps devant la porte de Sarah Halimi, mais sans forcer celle-ci, attendant des renforts. Cette attente est reprochée par les avocats des parents. « Le rapport de police confirme que ma sœur a été torturée pendant près d’une heure. Il l’a massacrée. Les convenances m’interdisent de dévoiler les détails » déclare son frère. Finalement Traore jeta la femme grièvement blessée par le balcon. Les policiers ne purent que  constater sa mort.

L’auteur de ces actes retourna dans le salon de la famille malienne, récitant des sourates jusqu’à ce que la police vienne l’arrêter. Après la garde à vue, il fut envoyé immédiatement en psychiatrie. L’avocat du frère dénonça ce fait que l’on préfère envoyer des criminels islamistes en psychiatrie. C’est une manière de nier l’arrière-plan antisémite déclara-t-il. Sarah Halimi a sa dernière demeure dans un cimetière de Jérusalem – tout comme les victimes de l’hypercacher parisien, tout comme les trois enfants tués en mars 2012 dans leur école de Toulouse.

Frankfurter allgemeine 18/07/2017 – Michaela Wiegel-